KIRGHIZSTAN (RÉPUBLIQUE DU)

KIRGHIZSTAN (RÉPUBLIQUE DU)
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KIRGHIZSTAN RÉPUBLIQUE DU

Le Kirghizstan est un cas atypique en Asie centrale ex-soviétique. Le président Askar Akaïev, élu le 12 octobre 1991 sans concurrent, n’est pas un ancien premier secrétaire du Parti communiste, mais un membre de l’Académie des sciences. Il a d’emblée adopté une position démocratique et libérale, refusant de s’appuyer sur un système présidentiel fort qui ne ferait que reprendre le modèle d’organisation soviétique. Le pays connaît donc une floraison de partis politiques sans commune mesure avec le reste de l’Asie centrale (Parti communiste, Erkin Kirghizstan; Parti des républicains, Erk, Mouvement démocratique, Ata-Meken, etc.). Le président a annoncé une privatisation totale de l’économie et de la propriété foncière, ce qu’aucun autre pays de la C.E.I. (Communauté des États indépendants) n’a fait jusqu’ici. Cette volonté de faire du Kirghizstan la «Suisse de l’Asie centrale» a donné au pays une réputation internationale sans commune mesure avec son poids réel. Il n’a en effet guère d’atouts: la population kirghize constitue un peu plus de 50 p. 100 d’une population de 4,5 millions d’habitants (dont 21 p. 100 de Russes et 12 p. 100 d’Ouzbeks).

Ce pays de 198 500 kilomètres carrés est très cloisonné par les montagnes, opposant un Nord, avec la capitale Bichkek, tournée vers le Kazakhstan, et un Sud orienté autour de la vallée de la Fergana, vers l’Ouzbékistan et le Tadjikistan. Les particularismes régionaux sont très forts et recoupent un système tribal resté très vivace. Lors de l’indépendance, les pouvoirs locaux se sont largement autonomisés par rapport au centre. Il y a un décalage entre la vie politique «officielle» et la réalité du pouvoir dans les régions. L’apparence de libéralisme et de démocratie vient plus de la faiblesse du pouvoir central que d’une réelle évolution de la société. En fait, le système politique kirghize repose sur une opposition entre le Nord et le Sud. Akaïev et toute son équipe sont du Nord, des vallées de Talas, de Tchou, et de Kemin, tandis que les vallées de Issik Koul et Nahrin sont totalement en dehors de leur contrôle. Ces oppositions régionalistes ne se traduisent pas par une lutte pour le pouvoir central, comme au Tadjikistan, mais plutôt par une volonté de neutraliser et d’ignorer ce pouvoir. Les luttes politiques, derrière les différentes étiquettes de «conservateurs» et de «progressistes», reflètent ces conflits régionaux.

Le pouvoir central est faible et le discours démocratique du président est plus un aveu d’impuissance qu’un programme de réformes. Le Parlement, élu à l’époque soviétique, et composé d’apparatchiks plutôt hostiles à la volonté de réformes d’Akaïev, a longtemps refusé de se dissoudre après l’adoption d’une Constitution en mai 1993 qui prévoyait de nouvelles élections. En septembre 1994, le Parlement accepte finalement de se dissoudre. Les élections de février 1995, loin de clarifier la situation, entérinent le poids des autorités régionales. Les nouveaux députés représentent avant tout des intérêts locaux. Le Sud, qui se sentait exclu du pouvoir et de la manne financière générée par les privatisations, domine ce nouveau Parlement. Le président Akaïev abandonne alors son attitude de démocrate et adopte une ligne beaucoup plus autoritaire. Il fait fermer en août 1994 le journal du Parlement Svobodnye Gori , s’aliénant ainsi l’intelligentsia qui le soutenait depuis le début. Comme ses collègues d’Asie centrale, il tente au printemps de 1995 de faire proroger son mandat par référendum, mais, contrairement à ses homologues, il échoue.

La question de l’islam ne se pose pas dans ce pays où les Kirghizes proprement dits ne sont guère fondamentalistes. En fait l’influence de l’islam vient surtout de la vallée de la Fergana et est forte parmi les Ouzbeks vivant en Kirghizie. Le mufti officiel du Kirghizstan, Hajji Abdurrahman Kimsan Bay, est d’ailleurs né en 1940 à Djangiabad en Ouzbékistan et serait ouighour. Aucun parti islamique n’est actif sur la scène politique.

Le Kirghizstan connaît aussi des troubles ethniques. En juin 1990, de violents incidents opposent dans la ville de Och Kirghizes et Ouzbeks. La ville de Och est située dans la vallée de la Fergana, où traditionnellement les Ouzbeks occupent les terres basses et les villes et où les Kirghizes sont installés sur les hauteurs. La ville n’a été rattachée au Kirghizstan qu’en 1936. Les autorités officielles de la ville de Och sont en majorité kirghizes et utilisent la loi de privatisation des terres pour favoriser leur groupe ethnique. Cette crise échappe totalement au gouvernement de Bichkek; les autorités de Och agissent en toute indépendance sans guère de considération pour la capitale de leur pays. Les Ouzbeks de la ville réagissent et des émeutes font plusieurs milliers de morts. L’Ouzbékistan se tient néanmoins prudemment à l’écart et la crise ne se transforme pas en conflit entre États. En fait, il y a consensus des nouvelles républiques pour ne pas toucher aux frontières héritées de l’Union soviétique et qui sont toutes aberrantes tant sur le plan géographique qu’ethnique. Par exemple, l’Ouzbékistan dispose au Kirghizstan d’un district enclavé (Sukh) peuplé essentiellement de... Tadjiks. Une forte minorité kirghize vit au Tadjikistan (région d’Isfara et du Gorno-Badakhchan). Le Kirghizstan participe aux forces de maintien de la paix basées au Tadjikistan et contrôle la route qui va de Khorog à la frontière afghane vers Och. Cette route est le principal axe de circulation de la drogue en provenance d’Afghanistan. Les maffias locales, de mèche avec les gardes-frontière de toutes nationalités, gèrent ainsi des sommes considérables sans que le gouvernement ne puisse contrôler quoi que ce soit.

Enfin, la Chine n’a jamais officiellement renoncé aux territoires annexés durant le XIXe siècle par la Russie tsariste et qui constituent la moitié du territoire actuel du Kirghizstan. Si les relations diplomatiques entre les deux pays sont cordiales, cette menace implicite affaiblit le Kirghizstan, où vit d’ailleurs une forte minorité d’Ouighours, populations musulmanes et turcophones du Sin-Kiang, aujourd’hui en révolte presque ouverte contre Pékin. Des éléments de tension avec la Chine sont donc présents.

Toutes ces faiblesses structurelles du Kirghizstan impliquent une grande prudence sur le plan international. Le pays s’efforce de «coller» à la Russie et au Kazakhstan, avec lequel il est très proche linguistiquement et dont il dépend pour ses échanges économiques. Bichkek a signé les accords militaires du sommet de la C.E.I. (févr. 1995) qui prévoient une intégration des forces armées des pays signataires, à la grande fureur de l’Ouzbékistan. Le président Akaïev a également annoncé l’ouverture d’une université slave dans la capitale, dont la langue d’enseignement est le russe; il s’efforce de garder les experts et la population russes, cette dernière étant très nombreuse. On ne trouve pas au Kirghizstan le nationalisme ethnique qui caractérise Ouzbeks et Turkmènes. La tendance à l’exode des Russes semble d’ailleurs avoir diminué après 1994 (où elle a concerné 104 000 personnes pendant le premier semestre de l’année).

Sur le plan économique, le Kirghizstan est le pays le plus pauvre d’Asie centrale avant le Tadjikistan. Le président Akaïev s’est efforcé de jouer la carte de l’aide internationale en utilisant son image de démocrate et en annonçant des programmes de réformes dans la ligne de la Banque mondiale et du F.M.I., qui voient dans le Kirghizstan le meilleur élève de la région. C’est le premier État à avoir introduit sa propre monnaie, le som, en mai 1993. Curieusement, sans base économique réelle, le som tient son rang par rapport au dollar et varie autour de 10 som pour 1 dollar en 1994. Le pays reçoit plusieurs prêts importants du F.M.I. et de la Banque mondiale, ainsi que de pays occidentaux comme la Suisse. Mais l’éclatement d’affaires de corruption, l’anarchie croissante et la dérive autoritaire du président pourraient ternir son image de «Suisse de l’Asie centrale».

Encyclopédie Universelle. 2012.

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